Cité Blanche Gutenberg

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Marche Petit Homme

Quelques jours avant la commémoration du 03/11/2012, pour nous rappeler au bon souvenir de notre regretté Abdenbi Guemiah, je m’imaginais non sans émotion, des retrouvailles un peu comme ce que j’ai écrit modestement dans le texte qui va suivre…

Après cette journée d’automne mémorable, j’ai relu ce même texte que mon imagination m’avait dicté et j’ai trouvé que cette histoire en dehors de la rétrospective, s’apparentait étrangement à ce que j’avais réellement vécu lors de cette journée, du début jusqu’à la fin !

Sept mois plus tard après avoir écrit « Marche petit homme », je me relis et je me dis que ce serait égoïste et idiot de ma part de l’envoyer à la corbeille sous prétexte que cela n’intéresserait personne… alors comme à mon habitude, je sème les mots et partage ma récolte!

 

MARCHE PETIT HOMME

 

Marche petit homme le crépuscule s’est levé.

Sa couleur pourpre s’éteint à petit feu.

Il s’en va de ce pas céleste, tranquillement, se reposer.

Les oiseaux s’égosillent, le soleil tarde à se réveiller !

Au coin d’une rue, un vieux chêne centenaire,

Témoin de notre passé lointain, scrute le ciel  gris…

Le vent souffle et balaie les feuilles mortes tombées à ses pieds.

Les cumulus plient et laissent s’échapper une fine pluie…

La ville dort comme un loir épuisé par une nuit agitée.

Les cliquetis raisonnent sur mon parapluie,

Pour finir dans la rigole de la rue des « Pas perdus ».

 

Marche petit homme le temps s’égraine et la route est encore longue.

Aujourd’hui  tu as rendez-vous avec l’histoire,

L’histoire d’un jour où les tiens, tu sais, ceux qui venaient de loin, le ventre vide et la tête pleine d’envies…

Oui, je dois te conter cette époque qui m’a tant fait rire et… souffrir.

J’aime à revoir ces images de mon enfance,

Ou un rien était beaucoup et beaucoup pas grand chose… !

 

Marche petit homme… le jour se lève.

Il faut que tu voies de tes propres yeux ces gens d’un autre temps.

Ces gens-là, les Gutenbergeois… !

Non petit homme, ils n’étaient pas gueux et encore moins bourgeois.

Ils devaient juste se battre à chaque fin de mois.

 

Ils vivaient là, pas loin, non,  juste là, derrière.

Tu vois petit homme, là-bas, au milieu de nul part… 

Les enfants de ton âge se contentaient volontiers de ce qu’ils trouvaient.

 

…Si j’ai fait partie de cette épopée… ?

Oui, un peu, puisqu’ils furent mes compagnons de jeu et mes frères d’infortune.

N’oublie jamais « le lien », surtout si tu deviens « Quelqu’un » !

Même plus grand et plus fort.

Je veux que tu retiennes d’où tu viens.

Presse le pas petit homme, nous sommes là à bavarder et nous oublions que le temps n’attends pas.

C’est un grand jour, j’ai hâte de les revoir, j’espère qu’ils seront tous là ?

 

Trente ans déjà, c’est sûr, il en manquera un.

Parti comme ça, parti pour rien (paix à son âme) !

Pourtant, c’est à travers sa mémoire, son souvenir, que nous serons tous là !

Saches Petit homme que le racisme est un délit.

Il est un mal diabolique qui sévit dans le cœur des hommes.

Certains le combattent avec force et conviction.

D’autres le cultivent comme une opinion sans âme…

 

La pluie fine laisse la place aux averses.

Les averses traversent mon parapluie.

Les flaques se conjuguent au pluriel.

Mes souliers commencent à prendre l’eau.

Je m’arrête un instant !

Tête baissée, dans ce miroir d’eau, j’aperçois un visage ridé,

… C’est moi… !

Soudain, la mémoire ressurgie :

L’isolement.

La crainte de perdre la vie au détour d’une rue.

Les flaques, la boue, les sceaux d’eaux, pansements des fissures sous les toits…

Les champs du Parisien et ses escargots,

Maréchal et ses chiens, Gilles et ses glaces…

Le train qui passe et qui repasse…

Les veillées nocturnes à se raconter les histoires de Dame blanche,

Les tentes dressées dans les allées,

Les mariages jour et nuit tous invités…  

Les batailles de pierres ...

Les enfants, la vie, le bruit…

 

Vite sous abri petit homme, il ne faut surtout pas que l’on prenne froid.

Mettons-nous à couvert sous ce haut vent de la rue du boulevard de la seine !

Le collège André Doucet est à quelques mètres de là.

Nous sommes dans le quartier qui m’a vu naître  grandir et partir…

Ce même quartier ou nous vivions  sous enclos et à huis clos.

Juste là, derrière, là-bas au milieu de nul part…

Tu sais, j’ai arpenté ces ruelles avec ma mère…

Elles me paraissaient plus larges et plus longues!

Que c’est petit maintenant !

 

Je les vois au loin, tiens les voilà, ils sont tout prêt, tous là ou presque !

Le ciel en a rappelé certain(e)s (paix à leurs âmes) !

Comme par magie, les nuages laissent place à une éclaircie!

Mon cœur s’emplit de joie et d’inquiétude…

Je ne sais pourquoi mes jambes tremblent comme une feuille morte !

Certains visages familiers…me sont étrangers !

Très vite, les gestes, les timbres de voix sont là…

Les regards tombent les masques!

L’émotion gagne rapidement l’assemblée.

Certains plongent dans les souvenirs.

Les larmes remontent à la surface.

On a le sentiment de ne s’être jamais quitté.

C’est la vie, c’est la famille !

Petit homme, voilà ce que je t’ai souvent conté.

Ces gens d’un autre temps qui m’ont tant manqué.

 

Mohamed Taleb



09/04/2013
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